Le tissu Ndop, aussi appelé Ndoup, est une étoffe symbolique des traditions Bamiléké du Cameroun. Elle est le symbole de la chefferie, de la noblesse et des rituels, mais aussi des sociétés secrètes. C’est une étoffe aux motifs graphiques représentant les fondements de la cosmogonie de la société Bamiléké. Ils forment un vocabulaire décoratif évoquant la dualité du monde (ancêtres et vivants) ou les éléments du cosmos.
Les tissus Ndop sont connus par leurs motifs géométriques, mais aussi pour leurs couleurs chatoyantes : violet, kaki, bleu ciel, turquoise… Cependant, l’indigo, le bleu et le blanc sont les couleurs les plus couramment répandues.
Ses nombreuses utilisations pratiques et symboliques en font une partie intégrante de la culture des habitants des Grassfields. Cependant, sa fabrication et son utilisation n’ont pas échappé à la modernité, voire à l’industrialisation, qui a modifié sa fonction symbolique et culturelle.
Les Néerlandais ont participé à l’introduction de ce tissu africain en Europe.
Les origines du tissu Ndop du Cameroun
L’existence des tissus Ndop dans les Grassfields remonte au 19e siècle. Bien avant que le tissu Ndop ne soit fabriqué en Occident, le Wukari Ndop, un autre tissu batik du Nigéria, était vendu localement. Ces tissus étaient une monnaie courante entre les habitants des Grassfields et du Nigéria jusqu’au 20e siècle.
Certaines sources suggèrent que l’origine de l’industrie du Ndop au Cameroun est due à l’inspiration du roi Njoya, qui a commencé à produire le tissu à Foumban. Avant 1914, cependant, de tels tissus n’apparaissaient pas sur les photographies de la cour de Foumban.
Le tissu Ndop camerounais est apparu en 1920, coexistant avec le Ndop de type Wukari du Nigéria. Son processus de fabrication se déroule en 2 étapes : il est produit dans un premier temps à Garoua dans la région Nord du Cameroun, puis dans la région Ouest du Cameroun.
La confection de l’étoffe
Obtenir le tissu Ndop original suit un schéma et un savoir-faire assez surprenants. Le tissage est réalisé dans le Nord, tandis que la teinture est réalisée dans l’Ouest du Cameroun. Des travaux de surjet et de garniture sont également faits au côté de l’Afrique de l’Ouest.
Les tisserands de Garoua
À Garoua, le tissage est réalisé par des tisserands sur de petits métiers horizontaux. Ce dernier tisse un fin ruban de coton écru de 5 cm de large, appelé « gabaga », qui est ensuite vendu à des artisans de l’ouest du Cameroun.
Assemblage de bord à bord
Après leur retour de Garoua, ces artisans cousent les rubans de bord à bord en de grands morceaux de tissu décoratif. Des maîtres artisans supervisent la qualité de chaque pièce. Ensuite, il y a le processus de vannerie, de traçage avec des fourchettes en bambou coupées et des motifs. Ceux-ci sont réalisés à l’aide de raphia par des nœuds ou des ligatures de tissu.
Définition des motifs géométriques
Les artisans peignent les symboles caractéristiques du Ndop sur une toile de coton blanche. Ils les cousent ensuite sur le fil de raphia à poings serrés. Cela peut prendre jusqu’à 1 mois pour fabriquer un très grand tissu à motifs de près de 15 m de long.
Teinture
En d’autres termes, la fréquence de production des tissus Ndop peut être basse, même pour un artisan très travailleur. Les ouvrages ainsi brodés sont ramenés à Garoua par la route pour être teints à l’indigo. La coloration est alors réalisée en deux étapes :
- Tout d’abord, les artisans font tremper le Ndop dans une solution de lessive alcaline à base de cendre de bois et d’urine animale pendant environ 20 heures,
- Le tissu est ensuite plongé dans le bain de teinture bleue pendant une dizaine d’heures. Puis, il est essoré et étiré avant d’être exposé au soleil. Ce dernier geste est important, car il provoque l’oxydation du colorant qui donne la teinte bleue finale souhaitée. La teinture ne doit pas passer à travers les coutures, qui se laveront sur les tissus secs.
De retour dans l’Ouest, le fil est déroulé par des artisans. Le motif décoratif blanc se détache sur le bleu indigo du fond. Le raphia fait ici la même chose que la cire dans le processus d’impression du tissu à motifs. La couleur ne s’infiltrera pas là où le fil de raphia est cousu.
Ces tissus symboliques Bamiléké sont principalement vendus sur les marchés de Bandjoun, Foumban et Baham, principaux centres de production et de distribution au Cameroun.
L’évolution du tissu avec les techniques modernes
L’évolution du processus de fabrication de cette étoffe aux symboles décoratifs peut être observée à plusieurs niveaux tels que la technologie, l’utilisation et la valeur marchande du produit.
D’un point d’évolution des techniques, la fabrication de ce tissu camerounais a beaucoup évolué au fil du temps. La technique fastidieuse des surpiqûres a peu à peu cédé la place à l’utilisation de la cire. Cependant, le résultat final n’est pas très authentique. Le motif est donc créé à partir d’une substance imperméable comme la cire de bougie ou la pâte de tapioca. Le tissu est ensuite trempé dans une solution de teinture, généralement à base de colorants industriels.
Un autre type de tissu plus populaire, dans le modèle de tissus traditionnel Bamiléké uniquement, est fabriqué industriellement. Les fabricants utilisent des techniques de production de pagnes Wax à base d’indigo ou encore d’impression directe. Aujourd’hui, le CICAM (Cotonnière Industrielle du Cameroun) reproduit le motif décoratif Ndop sur le pagne appelé « Collection Bantou » en 4 fonds de couleurs africaines : bleu, vert, marron et noir.
Par conséquent, il existe trois types de Ndop :
- L’original qui est entièrement confectionné par les artisans et faisant partie du patrimoine culturel,
- Le semi-finis qui est fabriqué à partir de tissus d’origine industrielle et manipulée par des artisans,
- Les reproductions industrielles où seuls les motifs et les symboles s’inspirent de Ndop.
Le tissu Ndop de nos jours
L’une des difficultés que rencontrent les tissus traditionnels d’aujourd’hui tient à l’importance que la plupart des artisans accordent à sa valeur marchande au détriment de sa valeur symbolique traditionnelle. Le Ndop, autrefois réservé aux rois, célébrités et sociétés secrètes, est encore un tissu noble et cher, mais aujourd’hui il tend vers la popularité. Il tient une place importante dans la mode africaine.
Auparavant, il fallait se rendre au marché du Grand Chef pour trouver le Ndop, ou pour l’obtenir comme cadeau du chef. Aujourd’hui, il est disponible sur presque tous les marchés, à un prix acceptable pour tous, mais en contrepartie, sa qualité est souvent inférieure et corrélée au prix. Les couleurs s’estompent facilement au lavage.
Haute couture ou non, ce tissu aux couleurs vives et aux graphismes originaux fait partie intégrante de la culture africaine. Désormais, on utilise ce tissu pour la confection des habits et accessoires du quotidien : jupe, robe, tablier, chemisier, pantalon, écharpe, cravate, serviette, nœud, tunique, kimono, polo, pantalon, rideau, couette, pull, blouson, slim fit, t-shirt, foulard, veste, blouse, etc.
Les habits en tissu Ndop gagnent en popularité en Europe. Pour sortir des sentiers battus, s’habiller avec un vêtement fait de tissu Ndop devient une tendance. C’est aussi le cas du tissu wax. Cependant, les procédés de fabrication ne sont pas les mêmes.
Que représentent les motifs du tissu
Les motifs géométriques figurant sur les tissus Ndop représentent l’homme avec la nature et l’au-delà (la lune, le soleil, les étoiles, les animaux, etc.). Ils peuvent également évoquer l’architecture : cercles, croix, carré, triangles, losanges.
La croix est une représentation fondamentale. Elle signifie le croisement des routes, division de l’espace, expression du « centre du monde » et de la protection qu’il requiert. Ce motif sert à transmettre un message de paix et de fécondité.
Tous les motifs présents sur le Ndop possèdent une valeur symbolique. Par exemple, la tortue représente la sagesse, l’adresse et la prudence. La peau de reptile symbolise la force de l’union et la puissance royale. Les gousses de kola représentent le partage et la solidarité.
Concernant les cercles : ils symbolisent la dualité existant entre les vivants et les défunts. En effet, chez les bamilékés, les défunts sont en communion avec les vivants. Les spirales quant à elles symbolisent la variété et la diversité. Les graines accompagnant les spirales symbolisent la fécondité.
Alors, connaissiez-vous ce tissu? Etes-vous séduit par sa description ou portez vous des des vêtements confectionnés dans cette étoffe?